La Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afrodescendante
La JMCA : une journée d’hommage pour une humanité réconciliée
Le 24 janvier dernier s’est tenue la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afrodescendante (JMCA). Son objectif était de rendre hommage à l’Afrique dans le monde entier. Le Bénin était l’hôte de ces festivités pour la célébration de l’édition de 2021. Le temps d’un week-end sa mission était de mettre sous les projecteurs la culture de l’Afrique, berceau de l’humanité.
Du 22 au 24 janvier se sont rassemblés des acteurs culturels du monde africain et de la diaspora autour du thème « Culture et Développement, Solidarité du Vivre-Ensemble ». Durant ces trois jours ponctués par musique, chants et danses traditionnelles, se sont tenues des conférences pour encourager des réflexions intellectuelles pour l’avenir sur la valorisation du patrimoine. Accompagnées de défilés et spectacles, l’objectif était de partager des idées pour trouver des moteurs au rayonnement africain, pour faire de la culture un véritable levier du développement économique et du vivre-ensemble.
C’est effectivement dans cette perspective de reconnaissance de la richesse du patrimoine africain que la date du 24 janvier est consacrée Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afrodescendante. Proclamée comme telle par l’UNESCO en Novembre 2019, elle est la réalisation d’un long processus panafricain…Le 24 janvier 2006, est rédigé à Khartoum la Charte de la Reconnaissance Africaine. Elle s’inscrit dans la continuité des mouvements et des actions pour l’indépendance et la reconnaissance de la souveraineté des pays de ce continent, ayant fait et faisant encore par endroits office de « terra nulla » pour les puissances étrangères. La Charte soutient que toutes les cultures du monde ont un droit égal au respect. Dans sa préoccupation de l’affirmation culturelle, elle considère la culture comme un facteur d’équilibre et de développement. La résolution des conflits, la réduction des inégalités et de l’injustice se fera via un mécanisme d’intégration nationale, en intégrant les valeurs culturelles africaines aux valeurs universelles véhiculées dans les systèmes éducatifs.
Sa Majesté Togbé Akati II Djidjilevo de Comè (Président du Comité d’Organisation de l’édition 2021 de la JMCA) affirme « Un peuple sans culture est un peuple qui se noie » . En effet cette déclaration n’est pas sans rappeler les conflits inter-éthniques qui ont sévi à la sortie de la colonisation ou encore la période tumultueuse du régime marxiste-léniniste (1974-1989). Dans sa dynamique comuniste, le gouvernement a mené une politique de “neutralisation ethnique”.
Si cette politique entendait mettre toute les ethnies sur un pied d’égalité en réaction à l’hégémonie du peuple, elle a dérivé sur une négation de la diversité, marginalisant et frustrant des peuples qui ne pouvaient pas se reconnaître dans leur leader. Sa Majesté le Roi de Comè est convaincu de l’urgence de « mener des réflexions sérieuses autour des formules à adopter pour la valorisation du patrimoine matériel et immatériel d’Afrique”. Il identifie le rayonnement culturel comme le « seul gage pour le continent de se représenter valablement sur le marché international ». Cette unité symbolique est un élément incontournable de la reconnaissance de ces pays, et plus généralement de l’Afrique, comme un acteur de taille sur la scène internationale.
La JMCA, une réalisation concrète du rayonnement africain
Au début, peu de pays ont ratifié la Charte de Khartoum. C’est pourquoi en 2007 est fondée à Ouagadougou, l’ONG RAPEC (Réseaux Africain Promoteur des Entrepreneurs Culturels). Elle s’active pour faire de la culture un levier du développement durable, économique et social de l’Afrique. En 2011 le RAPEC organise le à 1er Congrès Panafricain Lomé (Togo) lors duquel est recommandée la date du 24 janvier (date donc de la rédaction de la Charte de Khartoum en 2006) pour instaurer une Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afrodescendante. C’est lors de cet évènement que le Bénin fait d’ailleurs partie des premiers pays à ratifier le texte.
Si le RAPEC reconnaît qu’il reste des progrès à faire pour la promotion du secteur culturel, l’ONG en souligne les avancées. Les pays sont de plus en plus nombreux à prendre conscience de la force endogène de la culture : au Togo, Cameroun, Afrique Centrale, Maroc, Tunisie mais aussi dans des villes comme New-York et Paris des séries d’évènements sont organisés !
C’est l’occasion de poser un regard neuf sur une Afrique riche, sur une Afrique qui construit, sur une Afrique qui a porté et qui porte toujours des merveilles et des progrès en son sein. La JMCA est enfin reconnue en Novembre 2019 par les 193 Etats à l’UNESCO. Une victoire !
La JMCA, moteur de l’unité : clé du développement
Une victoire oui, mais les enjeux sont encore importants. Cette journée est une clé, un outil dont il faut se saisir, pour faire des pays d’Afrique des puissances, entièrement maîtresses de leurs richesses. Il s’agit de l’honorer, de lui faire porter ces fruits. Comment être un pays souverain, stable où il fait bon vivre s’il n’y a aucune unité culturelle entre les habitants ?
Les Etats africains ont été construits comme si la colonisation avait fait table rase de tout ce qui existait avant, comme si les anciens royaumes n’avaient pas de dynamiques politiques et sociales propres, comme si aucune tradition n’avait existé. Si les royaumes et sultanats existaient encore sous la colonisation, la plupart ont perdu leur rôle de cohésion sociale. Le gouvernement français a joué de ruse pour évincer les familles royales qui présentaient un obstacle à leur hégémonie. En se servant par ailleurs de l’argument que les royautés n’étaient que le symbole d’un pouvoir absolutiste. Au moment de l’indépendance en 1960 les chefferies traditionnelles sont pour beaucoup corrompues, leaders politiques et rois jouent d’alliances pour s’attirer mutuellement les faveurs des uns et des autres.
Pour y remédier, en 2016 l’UNESCO déclare les chefferies traditionnelles gardiennes de la culture. Depuis quelques années, proclamées garantes de la conservation et transmission du patrimoine, elles commencent à recouvrer ce rôle symbolique fort d’enjeux. Invité et partenaire de l’organisation de cette journée, le directeur du Fond des Arts et de la Culture, Gilbert Déou Malé témoigne de l’importance de cette journée. Il indique que le gouvernement béninois s’inscrit dans ces efforts en faisant du tourisme et de la culture un des secteurs prioritaires d’investissement. En effet, le Programme d’Action du Gouvernement 2016-2021 prend sous son aile des projets d’envergure nationale.
Un des exemples de ce programme est le Fond de Bonification qui sera lancé courant mars 2021 dans l’objectif de soutenir le secteur culturel. Cette enveloppe destinée à encourager les industries culturelles, est un moyen pour le gouvernement de sortir les réalisations de ce secteur de l’informel, de leur donner la visibilité qu’ils méritent.
TOURA a été spectateur de ces événements. Comme “donner vie au patrimoine et histoires africaines” est son mantra, le but de cette toute nouvelle ONG est de se faire une place dans le secteur culturel. Promoteur du Tourisme Autrement, un tourisme levier du développement humain et économique, TOURA sort des ces journées nourris d’idées et de rencontres pour bâtir une nouvelle approche du patrimoine.
Il ne s’agit plus seulement de quémander reconnaissance et restitution du patrimoine, mais de le faire rayonner. On pourra alors regarder l’Afrique de manière positive, avoir une image d’une mosaïque de pays forts et fiers.